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Genre & ESNU : Pour une intégration structurelle du genre dans l’enseignement supérieur non universitaire

Genre & ESNU : Pour une intégration structurelle du genre dans l’enseignement supérieur non universitaire

Mémorandum en vue des élections du 9 juin 2024

Recommandations du Réseau Genre et Enseignement Supérieur Non Universitaire (ESNU) et pistes d’actions à l’intention des futur·e·s responsables politiques

Historique du réseau

Genre et ESNU est né au sein de Sophia, le réseau bi-communautaire de coordination des études de genre qui a pour objectif depuis 1989 d’intégrer la dimension de genre dans l’enseignement universitaire. Après la création du master « Gender en diversiteit » en Flandre en 2015 et du master de « Spécialisation en études de genre » en Communauté française en 2017, un groupe de travail s’est constitué au sein de l’association pour prolonger le travail au niveau de l’enseignement supérieur non universitaire.

Genre et ESNU est un réseau indépendant ne disposant d’aucun subside qui repose sur le travail bénévole de ses membres ; ses moyens d’actions sont donc fortement limités eu égard à l’ampleur de ses missions.

Une précision : le concept “genre” 

Le concept de genre est un concept évolutif. Le réseau entend “genre” au sens de construction sociale dynamique de rapports hiérarchiques entre les femmes et les hommes, dans une perspective intersectionnelle, c’est-à-dire en considérant que ces rapports s’articulent avec d’autres rapports de domination fondés sur le milieu social, l’origine ethnique, l’orientation sexuelle et l’identité de genre (LGBTQIA+), l’âge, la situation de handicap (liste non exhaustive). 

Intégrer une dimension de genre dans l’enseignement supérieur implique l’adoption d’une perspective critique fondée sur le corpus des études de genre développé depuis les années 1970, dans la lecture, la production et la transmission des savoirs. 

Un constat en matière de contenus d’enseignement dans l’ESNU

Dans le texte « Genderaction » de l’Union européenne, la question des contenus de la recherche est abordée : « les politiques d’intégration de la dimension de genre en Recherche et Innovation garantissent que les contenus produits ne soient pas affectés par des biais de genre1 ». Mais l’intégration de la dimension de genre dans les contenus de l’enseignement n’y est pas mentionnée. 

De même en Communauté française, qu’il s’agisse de la Déclaration de politique communautaire 2019-2024 ou du Plan Droits des femmes 2020-2024, l’accent est mis sur le renforcement des politiques de genre dans l’enseignement supérieur via l’adoption de plans d’égalité ou l’obligation de participation équilibrée f/h dans les instances de décision. Cependant, aucune mention n’est faite à l’intégration de la dimension de genre dans l’offre d’enseignement. Celle-ci ne figure pas encore à l’ordre du jour des agendas politiques, alors que l’urgence du sujet est plus que vive et par ailleurs à maintes fois soulignée par les hommes et les femmes politiques. 

Il importe à présent d’introduire la dimension de genre dans l’offre d’enseignement supérieur non universitaire 

Préambule  

Il est indispensable d’avoir une approche globale et à long terme de l’enseignement supérieur qui forme une majeure partie de celles et ceux qui seront demain sur le marché de l’emploi. Par approche globale, nous entendons que les problèmes liés aux inégalités et aux violences de toutes sortes forment un tout. Seule une approche de genre dans une perspective intersectionnelle et inclusive permet d’avancer des pistes de solution à court, moyen et long termes, car c’est une culture nouvelle qui doit être développée, transmise et appropriée par les jeunes générations. Cela n’est pas possible sans l’intégration structurelle et systématique dans l’offre d’enseignement supérieur du corpus scientifique actuel en matière de genre, sexualité, diversité et inclusivité.

Effets positifs attendus

  • une amélioration de la qualité de l’enseignement via la suppression ou au minimum la critique des biais sexistes, racistes, homophobes, etc. toujours présents dans de nombreux cursus ; les gender studies ont également renouvelé l’approche de questions scientifiques en formulant des hypothèses nouvelles et en développant des méthodologies innovantes.
  • la transmission aux étudiantes et étudiants d’outils pour développer des compétences indispensables à leur activité professionnelle (capacité d’analyse et d’empathie, meilleure compréhension des phénomènes sociaux). La prise en compte de la dimension de genre s’avère d’une importance capitale pour toutes les formations, elle est une nécessité absolue dans les domaines de la santé, de l’enseignement, du social, des STEAM, car ce sont des domaines où les professionnel·les disposent d’un fort pouvoir d’agir et d’une grande responsabilité sociétale.
  • la prévention des abus de pouvoir, harcèlements et violences de toutes sortes. La prise en compte de la dimension de genre permet de déconstruire tous les mécanismes, stéréotypes, représentations, structures qui engendrent ces violences et abus.

Quelles conditions sont requises pour cette intégration ? 

L’offre d’enseignement en matière de genre est aujourd’hui laissée le plus souvent à l’initiative de personnes déjà formées ou sensibilisées, leurs interventions ayant lieu de manière strictement  ponctuelle. Pour garantir la continuité de cette offre, il importe par conséquent de l’institutionnaliser. Trois conditions s’imposent à cet effet :

Première condition : assurer des conditions d’égalité et de bien-être dans l’organisation et  l’exercice du métier du corps professoral et dans l’apprentissage des étudiantes et étudiants. De là la nécessité pour chaque institution d’enseignement supérieur de mettre en place et de publier une politique de genre. Ceci implique entre autres que tous les postes à responsabilité (supérieur·es hiérarchiques, coordinateurs et coordinatrices, gestionnaires… ) soient systématiquement d’abord ouverts à une candidature publique (interne et/ou externe) qui inclut au minimum une connaissance avérée des enjeux liés aux questions de genre. Il faut aussi que la parité ou au minimum un tiers de personnes d’un des deux sexes soit respectée pour tous ces postes. 

La prise en compte effective de la dimension de genre implique également d’être attentifs à l’organisation des stages qui sont parfois le lieu de rapports de force où le public étudiant se retrouve démuni et fragilisé. Ainsi, la problématique de la maltraitance étudiante (violence morale et verbale) au sein des cursus sage-femme et soins infirmiers a été largement mise en exergue. De manière générale, étant donné que le corps enseignant n’a pas bénéficié dans les cours de pédagogie et de gestion de la classe, de formation spécifique en genre, les stages sont un lieu de reproduction (le plus souvent inconsciente) de biais et pratiques sexistes (distribution de la parole, etc.). 

Enfin, l’enseignement supérieur artistique (ESA) avec sa culture spécifique héritée de notre civilisation occidentale (valorisation du «génie masculin» et invisibilisation délibérée des femmes, culte de la transgression, impunité de l’artiste, etc.) peut être un lieu très sensible en matière d’abus et de violences. C’est particulièrement d’actualité en ce qui concerne les arts de la scène, où l’intime et le corps sont en jeu2.

Nous demandons :

  • l’application des textes légalement contraignants en matière de violence et de harcèlement3 tels que la Convention d’Istanbul, celle des Nations unies (CEDAW), les lois anti-discrimination et genre de 2007, le nouveau droit pénal sexuel de 2022, etc. ;
  • l’identification de sanctions en cas de non application de ces textes ;
  • la formation ou, au minimum, la sensibilisation des directions et personnels administratif, technique et académique à la problématique du genre, afin de leur rappeler leur responsabilité en matière de politique d’égalité et d’inclusion au sein de leur établissement ; 
  • la définition d’indicateurs sexo-spécifiques afin d’évaluer les problèmes et leurs solutions ainsi que l’obligation de récolter les données nécessaires pour les établir.

Deuxième condition : assurer la formation de tout le corps enseignant de l’ESNU 

Le corps enseignant de tous les cursus est concerné par la question du genre car les études de genre ne se limitent plus aujourd’hui à la relecture critique des sciences humaines et sociales. Tous les champs du savoir sont pris pour objet d’études et/ou impactés par celles-ci. De plus, toutes les disciplines gagnent en qualité à être passées au crible du genre, mais certaines perdent toute validité scientifique sans cette perspective critique : communication, histoire, psychologie, sociologie… 

Nous demandons :

  • une formation de base destinée au personnel enseignant afin de lui fournir les outils lui permettant de questionner sa discipline et d’y intégrer les travaux critiques portant sur les questions d’égalité et de genre ; 
  • la possession de compétences et de connaissances en matière de genre pour prétendre aux postes de direction de haute école, de direction d’administration en haute école. Avoir suivi une formation ou une sensibilisation de base en genre (incluant la question des violences et abus de pouvoir) sous forme des webinaires existants4 serait le minimum requis ;
  • la valorisation de la possession d’un master ou d’un certificat d’études de genre lors de la candidature pour un poste enseignant ;
  • l’obligation de visionner une capsule “genre” pour accéder aux plateformes développées par les établissements.

Troisième condition : assurer une offre d’enseignement qui inclut le genre 

L’inclusion du genre dans l’enseignement se fait par l’intégration transversale de cette dimension dans les cursus et/ou en proposant un cours spécifique genre. Cette dernière disposition s’impose au niveau baccalauréat dans certaines filières (pédagogique, social, communication, santé,…) car la compétence en genre (savoirs et attitudes) y est indispensable pour satisfaire aux exigences d’une mission de service public.

Le cas de l’enseignement pédagogique est particulièrement préoccupant. En effet, le Décret récent marque un recul par rapport au décret précédent. D’une part, il a supprimé le cours obligatoire de «genre et diversité», et d’autre part, il ne prévoit rien de concret pour mettre en œuvre le principe de transversalité, pourtant affirmé, des dimensions de genre, d’origine sociale et ethnique, d’orientation sexuelle.

Nous demandons :

  • la possession d’un master ou d’un certificat genre ou à tout le moins d’une VAE témoignant d’une expérience de terrain, institutionnelle ou de recherche liée au genre pour assumer une charge de cours ciblé genre ;
  • l’intégration de la dimension de genre dans le master de spécialisation en formation d’enseignants et d’enseignantes, dans le CAPAES et dans les formations en sciences de l’éducation de manière générale ;
  • l’intégration de la dimension genre dans les évaluations de la qualité des établissements de l‘ESNU ; 
  • la définition de critères et d’indicateurs pour évaluer la mise en œuvre de la transversalité de genre dans l’application du Décret FIE5.

Signé par les membres du réseau Genre & ESNU

Aline BAUDET (La Cambre), Anh Thy NGUYEN (SynHERA), Camille PROVOST (Haute École Louvain en Hainaut), Cécile DUJARDIN (ESA Saint-Luc), Clémence FLEMAL (ECAM), Edith Singleton (Haute École Lucia de Brouckère), Eve GILMET (Conservatoire Royal de Bruxelles), Fabienne LIESSE (Haute École de la Province de Namur), Frédérique BINON (Haute École en Hainaut), Frédérique BRIBOSIA (Haute École Louvain en Hainaut), Gilles VAN IMPE (Haute École Francisco Ferrer), Imane BENCHAOU (Sophia), Laurence MUNDSCHAU (ISFSC), Laurence VINCENT (ARES), Loraine FURTER (ARBA), Manon GOOSSE (Haute École Libre Mosane), Marguerite LE MARÉCHAL (INSAS), Maria MORENO (ARES), Marie GRIBOMONT (Haute École Albert Jacquard), Maryline LEDOUX (ERG), Mathieu DE WASSEIGE (IHECS), Nadine PLATEAU (Sophia), Oleg LEBEDEV (SEGEC), Selma BELLAL (ERG), Thierry GLINNE (SPP Politique Scientifique), Vera BORRACCETTI (Haute École en Hainaut). 

1 « Position paper » du 29/01/2024 rédigé dans le cadre de « GENDERACTION plus conference » organisée sous la présidence belge de l’Union européenne, le 13/02/2024, p. 4. Télécharger le document sur: https://era.gv.at/era/era-policy-agenda/gender-equality-inclusiveness/genderactionplus-position-paper-on-the-future-of-gender-equality-in-the-european-research-area/

2 Voir les articles du Soir du 25/02/24 et du 12/4/2024 sur les abus et agressions dans les écoles d’art (notamment au  Conservatoire de Bruxelles).

3 C’est un des piliers d’une politique inclusive et intégrée en matière de genre et violence, selon le rapport Tulkens pour l’UCLouvain paru en 2023.

4 Voir les deux Midis de l’ARES qui ont été organisés par la CoGES : Genre en enseignement supérieur (24 mars 2022) et L’intersectionnalité en enseignement supérieur (28 mars 2023).

5 Voir note conjointe du 11 octobre 2022 de la Commission Genre en Enseignement Supérieur et du Comité Femmes et Sciences sur l’intégration du genre dans la RFIE.